Contribution de la FIACAT au questionnaire conjoint des procédures spéciales sur la protection des droits humains durant et après le covid-19

Juin 2020

A travers le monde, les personnes privées de liberté se sont retrouvées particulièrement vulnérables face à la pandémie du Covid-19. En effet, la promiscuité prévalant dans la plupart des lieux privatifs de liberté n’a pas permis de respecter les règles sanitaires, particulièrement de distanciation sociale, nécessaires à la prévention de la propagation du virus. En outre, l’accès aux soins dans les lieux privatifs de liberté n’est souvent pas satisfaisant et équivalent à l’accès aux soins à l’extérieur. Pour éviter que le virus ne puisse entrer dans ces lieux, plusieurs Etats ont pris des mesures venant réduire le contact des personnes privées de liberté avec le monde extérieur. Certains Etats ont ainsi supprimé les visites familiales en prisons ou les activités professionnelles, éducatives ou sportives. Similairement les organisations de la société civiles se sont vues empêcher l’accès à certains de ces lieux privatifs de liberté alors même qu’elles jouent souvent un rôle essentiel pour l’amélioration des conditions de vie dans ces lieux en y apportant notamment une assistance juridique ou humanitaire. A titre d’exemple, l’administration pénitentiaire italienne a décidé le 8 mars 2020 d’interdire totalement les visites familiales et de suspendre toutes les activités éducatives. En République du Congo, l’administration pénitentiaire a commencé par imposer des mesures d’hygiène aux visiteurs en prison telles que l’obligation de se laver les mains à leur arrivée et de porter des masques et la prise de leur température corporelle. Dans un second temps, le Conseil des ministres a finalement décidé d’interdire les visites de prisons. De même au Bénin, le directeur de l’agence pénitentiaire a annoncé le 18 mars 2020 la suspension des visites aux détenus. Des mesures similaires ont également été prises en Côte d’Ivoire a travers un communiqué de la Direction de l’administration pénitentiaire du 17 mars 2020. A Madagascar également, les autorités ont décidé du confinement des trois établissements pénitentiaires principaux du pays (Antananarivo, Tamatave et Fianarantsoa).

Certains Etats ont cependant pris des mesures moins attentatoires aux droits humains en procédant au désengorgement des prisons. Ainsi au Cameroun, le décret présidentiel n°2020/193 du 15 avril 2020 portant commutation et remise de peine accorde la grâce présidentielle à certaines personnes détenues. Cependant, ce décret ne vise que les personnes définitivement jugées et condamnées, excluant les prévenus qui devraient figurer parmi les premiers bénéficiaires de ces mesures de désengorgement. En Côte d’Ivoire, le Conseil des ministres a quant à lui annoncé la libération de 2 004 prisonniers. Similairement, en République du Congo, le gouvernement congolais a annoncé par vidéo conférence lors son Conseil des ministres du 8 mai 2020 sa décision de désengorger les maisons d’arrêt principalement de Brazzaville et de Pointe Noire par la mise en liberté des prévenus en attente de jugement qui avaient dépassé les délais légaux de détention préventive et les prévenus en attente de jugement poursuivis pour les infractions mineures. En conséquent, 365 détenus ont été libérés dont 265 à la maison d’arrêt de Brazzaville et 89 à la maison d’arrêt de Pointe-Noire. La FIACAT et les ACAT accueillent très favorablement ces mesures mais souhaitent profiter de cette opportunité pour relever que des problèmes relatifs à la bonne administration de la justice existent au-delà de ce contexte dans de nombreux pays et que ces mesures sporadiques n’apportent pas une réponse pérenne aux problèmes existants qui pourrait permettre de mieux anticiper des crises similaires à l’avenir (telle le fait de veiller à ce que la liberté soit la règle et la détention l’exception).

Certains gouvernements et bailleurs internationaux se sont également engagés dans le contexte du Covid-19 dans la protection des droits humains des personnes détenus en lançant des appels à projets à destination des organisations de la société civile locale et internationale pour la mise en œuvre de projet d’urgence, visant à soutenir, notamment grâce à une assistance sanitaire, aux personnes détenues, financés à 100%.

Pour conclure, le Covid-19 a également négativement impacté l’accès à la justice du fait de la suspension de nombreuses procédures judiciaires. Face à ce constat, la FIACAT et les ACAT sont particulièrement préoccupées par le respect des délais légaux de détention préventive. Ainsi, elles s’inquiètent particulièrement des conséquences que cette crise pandémique aura a posteriori. En effet, la mise aux arrêts des juridictions pendant un certain temps risque de créer un engorgement des tribunaux lors de la reprise des audiences. Cela est d’autant plus préoccupant que dans de nombreux pays les cabinets d’instructions sont déjà surchargés en temps normal. Cela pourrait notamment avoir pour conséquence un retard dans le traitement des dossiers et donc le maintien en détention préventive d’un grand nombre de prévenus en violation des dispositions légales qui entourent cette pratique ce qui contribuerait à accroitre les risques de torture et de mauvais traitements en détention.