Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples

68ème session ordinaire (14 avril au 4 mai 2021)

 

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Point 3 de l’ordre du jour : situation des droits humains en Afrique

 

Monsieur le Président,

32, c’est le nombre d’années de prison auxquelles Germain Rukuki, membre de l’ACAT Burundi, a été condamné pour avoir conduit des activités légitimes et pacifiques de défense des droits humains au Burundi.

A ce titre, la FIACAT souhaite rappeler ici que Germain Rukuki avait été condamné le 26 avril 2018 par la Haute Cour de Ntahangwa pour « rébellion », « atteinte à la sécurité de l'État », « participation à un mouvement insurrectionnel » et « attentat contre le chef de l'État ». Ce verdict avait été confirmé par la Cour d'appel de Ntahangwa le 17 juillet 2019.

Plus récemment, la Cour suprême du Burundi a cassé le 30 juin 2020 l'arrêt pris par la Cour d'appel, tout en ordonnant un nouveau procès. Elle en a également profité pour rappeler à la Cour d'appel les normes du procès équitable et les droits de l'accusé en affirmant que ces droits « font partie intégrante de la Constitution aux termes de son article 19 ».

Le dossier de Germain Rukuki fait actuellement l'objet de délibérations, et le jugement est attendu le 24 avril prochain soit un an après l'audience de la Cour suprême.

Monsieur le Rapporteur Spécial sur les défenseurs des droits humains, la FIACAT vous demande de relayer ses préoccupations en exigeant la libération de Germain Rukuki, le défenseur des droits humains le plus lourdement condamné au Burundi et de veiller à l’application des garanties du procès équitables proclamées par la Charte de Banjul.

 

Monsieur le Président,

La FIACAT et l’ACAT Tchad tiennent à féliciter le Tchad – qui en plus d’être le dernier État africain à avoir aboli la peine de mort – s’est engagé en février 2021 à ratifier le deuxième Protocole facultatif du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. En appelant les autres États du G7 Sahel à suivre son exemple, le Tchad montre qu’une voie abolitionniste est tout à fait possible dans la lutte contre le terrorisme.

Monsieur le Président,

La FIACAT souhaiterait particulièrement revenir sur la situation des personnes privées de liberté en cette période de pandémie de Covid-19.

La promiscuité et l’insalubrité qui prévalent dans la plupart des lieux privatifs de liberté n’ont pas permis de respecter les règles sanitaires minimum nécessaires à la prévention de la propagation du virus. En outre, l’accès aux soins dans les lieux privatifs de liberté n’est souvent pas satisfaisant et pas équivalent à l’accès aux soins à l’extérieur. Pour éviter que le virus ne puisse entrer dans ces lieux, plusieurs États ont pris des mesures venant réduire le contact des personnes privées de liberté avec le monde extérieur alors même que ce contact est primordial pour assurer un soutien moral et matériel aux personnes détenues et effectuer un monitoring indépendant pour y prévenir la torture et les mauvais traitements.

Certains États ont cependant pris des mesures moins attentatoires aux droits humains en procédant au désengorgement des prisons. Néanmoins deux critiques peuvent généralement être formulées à l’encontre de ces mesures. Tout d’abord nombre d’entre elles ne concernent que les condamnés, ou que les prévenus, alors qu’elles devraient viser ces deux catégories de détenus simultanément. En outre, ces mesures sont des réponses ponctuelles à des problèmes latents et de longue date qu’il convient d’adresser de manière pérenne.

Cette crise offre une véritable opportunité de dénoncer les défaillances préexistantes des systèmes judiciaires et carcéraux en place afin de bâtir des institutions respectueuses des droits humains où la liberté serait la règle et la détention l’exception.

Je vous remercie Monsieur le Président.