Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples

75ème session ordinaire (3 au 23 mai 2023)

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Point 5 de l’ordre du jour : Rapport d’activités de la Rapporteuse spéciale sur les prisons

 

 Madame la Rapporteuse spéciale sur les prisons,

La surpopulation endémique demeure particulièrement préoccupante dans les États de l’Union africaine et augmente la dégradation des conditions de détention. La part du budget des États dédiée à la justice et à l’administration pénitentiaire devrait être largement redéfinie dans leurs lois de finances pour marquer leur volonté politique de mener une justice pénale respectueuse des normes internationales et régionales en la matière.

Madame la Rapporteuse spéciale sur les prisons,

La FIACAT souhaite attirer votre attention sur le recours massif à la détention provisoire, un facteur majeur de la surpopulation carcérale. Au Sénégal, qui sera examiné lors de cette session, les délais légaux de détention préventive ne sont en pratique pas toujours respectés et la loi ne prévoit aucune limite en matière criminelle. De manière générale, la détention préventive abusive est constatée dans de nombreux États sur le continent africain. Au-delà du non-respect des délais, elle se caractérise par l’absence de motivation de certaines décisions de justice, l’illégitimité de l’autorité à l’origine de la décision et l’absence de notification de la personne intéressée. 

Vagabondage, flânage, mendicité et tant d’autres activités liées à la pauvreté sont aujourd’hui bien souvent criminalisées. Les lois visant ces infractions mineures réduisent les droits humains des plus marginalisé·es et interrogent quant à la balance entre la durée et les conditions de détention, et, la gravité des faits reprochés. La FIACAT appelle les États à les abroger.

Madame la Rapporteuse spéciale sur les prisons,

Les mauvaises conditions de détention peuvent s’illustrer par des données collectées auprès des femmes et des mineur·es en Côte d’Ivoire, qui, souvent invisibilisé·es, sont tout aussi concerné·es. 1,67 mètres carrés, tel est l’espace médian octroyé à une femme détenue. Plus faible encore, la médiane d’1,23 m² pour les mineur·es doit alerter. Dans ces conditions, si des problèmes de santé étaient constatés chez seulement 29% des femmes à leur entrée en détention, 74% en font état à leur sortie.

 Madame la Rapporteuse spéciale sur les prisons,

Selon une majorité de prévenu·es, des modes de règlements des conflits plus légitimes devraient être privilégiés. Ces réponses ainsi que l’absence notable de données détaillées sur les situations carcérales africaines étayent la nécessité pour votre Commission de mener une étude continentale sur les prisons et les conditions de détention en Afrique.

La FIACAT recommande pour cette étude, l’adoption d’une approche transversale qui intègre les spécificités de la détention des femmes, des mineur·es et des condamné·es à mort. Il conviendra également d’analyser le recours massif à la détention préventive.

Enfin, seule une réflexion, menée en coopération avec les États, la société civile, le monde universitaire, les Institutions nationales des droits humains et la Commission, permettra l’identification des causes profondes des violations des droits humains en milieu carcéral. Des alternatives et des recommandations de réformes adaptées pourront alors être formulées, prenant en considération le « sens de la peine » et permettant de repenser la prison en Afrique.

Je vous remercie de votre attention.