64ème session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples

Sharm El Sheikh (Egypte) – 24 avril au 14 mai 2019

 

Point 3 de l’ordre du jour : situation des droits humains en Afrique

 

Madame la Présidente,

Mesdames et Messieurs les Commissaires

La FIACAT et ses membres sont particulièrement préoccupés par la dégradation de la situation des droits humains en Afrique. Nous souhaiterions attirer l’attention de la Commission sur plusieurs situations particulièrement alarmantes.

Au Cameroun, la FIACAT est profondément préoccupée par les récentes arrestations et détentions de plus de 200 membres des partis d’opposition à la suite des manifestations du 26 janvier 2019. Au cours de cette journée, qui a été marquée par des répressions policières excessives, des balles réelles ont été tirées par les éléments des forces de police, faisant de nombreux blessés.

La FIACAT appelle la Commission africaine à s’assurer que le Gouvernement du Cameroun s’abstienne de tout usage disproportionné de la force contre les manifestants en se conformant pleinement aux normes régionales et internationales relatives à l'utilisation de la force et des armes létales par les forces de maintien de l'ordre.

Madame la Présidente,

Le 10 avril 2018, l’Assemblée nationale togolaise a adopté la loi organique relative à l’organisation, à la composition et au fonctionnement de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) pour qu’elle puisse devenir le Mécanisme national de prévention de la torture (MNP). Cette loi prévoit que la nouvelle Commission doit être mise en place au plus tard six mois après son entrée en vigueur ; la loi a été promulguée le 20 juin 2018 par le Président de la République. Le 22 mars 2019, l’Assemblée nationale togolaise a élu les neuf membres de la CNDH comme prévu par la loi.

Aujourd’hui, plus d’un an après l’adoption de cette loi, la FIACAT et l’ACAT Togo invitent le Gouvernement du Togo à adopter immédiatement le décret en Conseil des ministres portant nomination des neufs membres de la Commission nationale des droits de l’Homme ; et à prendre dans les plus brefs délais, les mesures nécessaires au bon fonctionnement du mécanisme national de prévention.

Madame la Présidente,

Le 19 mars 2019, la Cour d’assises de Zinder au Niger, tenant sa première session de l’année, a prononcé la peine de mort à l’encontre de plusieurs personnes, dont M. Gazally Badamassi pour « association de malfaiteurs, vol de nuit en réunion, et assassinat ». La FIACAT s’associe au mouvement abolitionniste nigérien en dénonçant ces récents prononcés de la peine capitale qui constituent tant des violations de la Constitution nigérienne que des engagements internationaux pris par le Niger.

La FIACAT tient à rappeler que la loi suprême nigérienne dispose dans son article 11 que « la personne humaine est sacrée [et que l’Etat] a l'obligation absolue de la respecter et de la protéger » et dans son article 12 que « chacun a le droit à la vie ». De plus, le Niger observe un moratoire de facto sur la peine de mort depuis 1976, date de la dernière exécution. Enfin, en décembre 2018, le Niger a voté en faveur de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies appelant à un moratoire universel sur la peine de mort.

C’est pourquoi, la FIACAT et l’ACAT Niger appellent les autorités compétentes à faire respecter les dispositions de la Constitution par les tribunaux et à s’assurer du respect des engagements internationaux pris par le Gouvernement, et in fine, à commuer ces peines de mort en peine de prison.

Madame la Présidente,

La FIACAT souhaite rappeler ici que Germain Rukuki, ancien comptable de l’ACAT Burundi, a été condamné en avril 2018 à 32 ans de prison en raison de ses activités de défenseurs des droits humains et se trouve en détention depuis juillet 2017 ; il s’agit là de la plus forte peine prononcée dans ce pays à l’encontre d’un défenseur des droits humains. Par la suite, ce dernier a interjeté appel de cette condamnation le 29 mai 2018.

L’audience en appel s’est tenue le 26 novembre 2018 mais le verdict se fait toujours attendre près de quatre mois après l’expiration du délai légal de 30 jours. Depuis, la disparition du dossier de Germain Rukuki a été annoncée. En décembre 2018, le gouvernement burundais a décidé de scinder la Cour d'Appel de Bujumbura en trois cours d'appel distinctes ; le dossier aurait disparu lors de la réorganisation.

La perte de son dossier viole le droit de Germain Rukuki à un procès équitable, cet événement s’ajoutant aux multiples autres irrégularités et retards qui ont caractérisé la procédure judiciaire engagée à son encontre depuis son arrestation en juillet 2017.

A ce titre, la FIACAT demande à la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples et notamment au Rapporteur sur les défenseurs des droits humains, de relayer ses préoccupations en exigeant l’acquittement de Germain Rukuki pour toutes les charges retenues contre lui.

Je vous remercie Madame la Présidente.