Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples
73ème session ordinaire (20 octobre au 09 novembre 2022)
Panel sur les conditions de détention des femmes
Madame la Rapporteure spéciale sur les prisons, les conditions de détention et l’action policière en Afrique,
C’est un plaisir aujourd'hui d’intervenir au nom de la FIACAT et de la Coalition Mondiale contre la Peine de Mort à la suite de ce panel organisé par votre mécanisme.
Nos organisations tiennent à adresser leurs félicitations à la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples pour l’adoption de la résolution sur la nécessité d’une meilleure protection des femmes condamnées à mort en Afrique. Dans ce contexte, la FIACAT et la WCADP aimeraient aviser la Commission sur les discriminations et inégalités intersectionnelles que rencontrent les femmes condamnées à mort.
Madame la Rapporteure spéciale,
En 2021, la Journée mondiale contre la peine de mort, consacrée aux femmes face à la peine de mort, a permis de mettre en lumière leurs réalités. A ce jour, au moins 16 États de l’Union africaine comptent des femmes dans le couloir de la mort où les conditions remettent en cause leur droit à la dignité et leur intégrité morale et physique.
Nos organisations souhaitent attirer particulièrement l'attention sur la situation en Zambie, où plus de 20 femmes sont dans le couloir de la mort. Dans les prisons du pays, malgré les normes internationales qui prévoient que les hommes et les femmes soient détenus dans des sections et/ou des prisons différentes, les femmes condamnées à mort ne sont séparées des autres prisonniers que pendant les heures de sommeil.
De plus, le difficile accès aux soins médicaux pour les femmes détenues dans le couloir de la mort est un défi prégnant. Les besoins particuliers des femmes, notamment en matière de santé sexuelle et reproductive, de soins médicaux et de santé mentale, bien que soulignés dans la résolution 466 de la CADHP sur les prisons et les conditions de détention en Afrique et dans les règles de Bangkok et Mandela, sont souvent ignorés. Au Nigeria où 61 femmes sont actuellement dans le couloir de la mort, celles-ci n’ont pas accès aux soins gynécologiques et sont emmenées dans un hôpital voisin pour l'accouchement et les soins prénatals. En Zambie, les détenues n'ont pas accès aux produits menstruels tels que les serviettes hygiéniques et utilisent des morceaux de tissu qu'elles lavent fréquemment avec un détergent inadéquat car la prison ne fournit pas de savon.
Par ailleurs, nos organisations souhaitent signaler le manque d’hygiène, d’accès à l’alimentation, aux activités physiques et à l’éducation pour les femmes détenues dans le couloir de la mort. Au Malawi, les femmes n’ont pas accès aux services de base d’hygiène dans leurs cellules, en Zambie l’accès à l'eau est limité et les toilettes ne fonctionnent pas. Au Soudan et au Cameroun, les femmes condamnées à mort sont enchaînées.
De plus, la FIACAT et la WCADP souhaiteraient également alerter sur les risques de violence fondées sur le genre auxquels sont exposées les femmes détenues. Comme le souligne le rapport 2018 "Judged for more than a crime" de l'un de nos membres, le Cornell Center on the Death Penalty Worldwide, lorsque les gardiens masculins sont autorisés à travailler dans les prisons pour femmes, des relations - consenties ou forcées - peuvent se développer avec les détenues. En Tanzanie, des détenues recevraient protection et nourriture en échange de relations sexuelles.
Enfin, dans de nombreux pays les restrictions aux visites sont dévastatrices pour les femmes détenues ainsi que pour les membres de leur famille à charge. Au Nigeria par exemple les visites ne peuvent se faire que lors de jours et d’heures spécifiques, ce qui accroît la difficulté de planifier les visites.
Madame la Rapporteure spéciale,
Nous alertons les États sur la nécessité d'adopter, conformément aux principes de Luanda, à la Résolution 466 de la CADHP et aux Règles de Bangkok et Mandela, des politiques sensibles au genre concernant la détention des femmes afin d'assurer leur sécurité avant le procès, pendant l'admission en prison et pendant leur détention. Plus largement, nous appelons tous les États membres de l'Union africaine qui maintiennent la peine de mort à limiter son utilisation pour les infractions qui n'atteignent pas le seuil des " crimes les plus graves " selon le droit et les normes internationales.
Enfin, Madame la Rapporteure spéciale, il est crucial de mettre en lumière l’absence de données chiffrées précisés et actualisées sur le nombre et la situation des femmes condamnées à mort, exécutées ou dont la peine de mort a été commuées ou graciées.
Merci pour votre attention.