67ème session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples

Virtuelle – via Zoom – 13 novembre au 03 décembre 2020

Point 6 : rapports d'activités des Membres de la Commission et des Mécanismes spéciaux

Groupe de travail sur la peine de mort

Honorable Président,

Honorables Commissaires,

Cher.e.s participant.e.s,

Nous nous adressons à vous au nom de la FIACAT et ses ACAT, de la Coalition mondiale contre la peine de mort, de Avocats sans Frontières France, de la Coalition nigérienne contre la peine de mort, ECPM (Ensemble contre la peine de mort), la Mouvance des Abolitionnistes du Congo Brazzaville, REJADD-Togo (Regroupement des Jeunes Africains pour la Démocratie et développement, Section- Togo) et Reprieve.

Malgré la pandémie de Covid-19 qui continue à se propager partout dans le monde et sur le continent africain, la lutte pour l'abolition de la peine de mort se poursuit au sein des nations africaines. Aujourd'hui, 22 États africains ont aboli la peine de mort, tandis que 18 observent un moratoire sur les exécutions. Au début de cette année 2020, des mesures positives ont été prises pour accorder des grâces et des commutations en peine de prison au Cameroun, en République démocratique du Congo, au Kenya, au Maroc, en Tanzanie et au Zimbabwe, tandis qu'au Tchad, la peine capitale a été abolie pour les actes de terrorisme, faisant ainsi du Tchad le 22ème État africain abolitionniste en droit.

Cependant, il reste encore beaucoup à faire concernant la lutte abolitionniste sur le continent puisque 15 États africains continuent de maintenir, sous une forme ou une autre, la peine capitale. Tout récemment, nous avons constaté des exécutions au Botswana, en Égypte et en Somalie tandis que des condamnations à mort sont encore prononcées dans d’autres États. Au Nigéria des condamnations à mort ont été prononcées par vidéoconférence, et des pays appliquant un moratoire de longue date sur les exécutions continuent de prononcer la sentence capitale. A titre d’exemple, bien que loin d'être isolé, deux personnes ont été condamnées au Mali le 28 octobre 2020 alors même que le pays observe un moratoire sur les exécutions depuis maintenant 40 ans.

Honorable Président,

Cette année, le 10 octobre, la 18ème Journée mondiale contre la peine de mort a été célébrée ; celle-ci portait sur le droit à une représentation juridique. Sans accès à une représentation juridique efficace pendant l'arrestation, la détention, le procès et l'après-procès, le droit à une procédure régulière ne peut être garanti. Dans une affaire de peine capitale, le manque de représentation juridique efficace a pour conséquence le choix entre la vie et la mort.

Aux niveaux national et international, le droit à une représentation juridique est inscrit dans la plupart des constitutions et des instruments relatifs aux droits humains. Il existe un vaste ensemble de textes et de directives régionales au sein de la Commission africaine concernant cette question. L'article 7 (1) (c) de la Charte africaine des droits de l'Homme et des Peuples protège le droit d'un.e défendeur.e à une défense juridique de son choix. Les Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l'assistance juridique en Afrique de la Commission africaine disposent que les avocats nommés par l'État doivent être qualifiés et « avoir une formation et une expérience correspondant à la nature et à la gravité de l'infraction en cause ». Enfin, dans l'Observation générale n° 3 sur l'article 4 de la Charte africaine sur le droit à la vie, paragraphe 24, il est précisé que si ces dispositions ne sont pas garanties pendant le procès et la condamnation d'un crime capital, l'application de la peine de mort est non seulement considérée comme illégale mais aussi comme « une violation du droit à la vie. »

Malheureusement, les systèmes judiciaires du monde entier et du continent africain ne permettent souvent pas aux personnes accusées de crimes capitaux de bénéficier d'une représentation juridique adéquate. Par exemple, au Sud-Soudan, l'aide juridique est pratiquement inexistante, tandis qu'en Tanzanie et au Kenya, les avocats ont confirmé qu'ils utilisaient leurs propres fonds pour rendre visite à leurs client.e.s incarcéré.e.s ou pour payer des actes de procédure telles que la constitution des dossiers. Ce droit à une représentation juridique efficace a été encore plus fragilisé par la crise sanitaire, car les avocats, qui sont essentiels à la protection des personnes condamnées à mort, ont été affaiblis économiquement et sont moins à même d'aider leurs clients.

Tout en œuvrant à l'abolition totale et complète de la peine de mort dans tous les États africains, il est essentiel d'alerter la Commission africaine et les États d'Afrique sur la nécessité que, à tous les stades de la procédure judiciaire, les personnes qui sont soumises à la peine cruelle, inhumaine et dégradante que représente l'exécution devraient au moins avoir accès à une représentation juridique efficace. Cette assistance juridique doit correspondre à la protection minimum permettant soit d'éviter la condamnation, soit de faire appel du verdict.

Enfin, Honorable Président,

Nos organisations appellent la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples à relancer le processus d’adoption du projet de Protocole sur l’abolition de la peine de mort en Afrique et à collaborer tant avec la société civile que l’Union africaine pour que ce texte soit adopté avec succès.

Merci beaucoup.