Argumentaire chrétien contre la peine de mort

par l'Abbé NAKOMBO Frédéric - Secrétaire national de Justice et Paix

 

La répression est passée progressivement dans toutes les sociétés de la vengeance à une organisation rationnelle de la sanction. Tout au long de ce mouvement, le politique et le religieux ont été intimement liés. Pendant des siècles, les chrétiens ont eu recours à la peine de mort et l’ont justifiée. Aujourd’hui, la grande majorité des Églises chrétiennes sont contre la peine de mort et actives dans le combat pour son abolition.

 

Historique

La loi de l’Ancien Testament exigeait la peine de mort pour divers crimes (meurtre, enlèvement, adultère, viol, etc.). Dieu a cependant souvent montré sa miséricorde. Jésus aurait approuvé la peine de mort dans certains cas mais a fait preuve de grâce là où elle aurait dû être appliquée. L’Apôtre Paul reconnaît le droit des gouvernements d’instaurer la peine capitale quand cela s’avère nécessaire.

 

La position actuelle des Églises chrétiennes face à la peine de mort

  • Les Églises de réforme ou les Églises protestantes

Pour l’Alliance reformée mondiale « Là où la peine de mort est préconisée, l’amour rédempteur et réconciliateur de Dieu est violé » (1989).

Une déclaration du Conseil œcuménique des Églises (COE) de mars 1990 proclame l’opposition inconditionnelle à la peine de mort « en ôtant la vie humaine, l’État usurpe la volonté de Dieu ». Le COE a ainsi recommandé aux gouvernements d’abolir la peine de mort et de ratifier rapidement le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

  • L’Église catholique romaine

À partir de l’encyclique « Evangelium Vitae » (1995), plusieurs prises de position du Pape Jean-Paul II et de ses collaborateurs ont exprimé explicitement des positions favorables à l’abolition de la peine de mort. Pour lui, les États ont aujourd’hui à leur disposition de nouvelles possibilités pour « prévenir effectivement le crime, en rendant celui qui a commis une telle faute incapable de faire le mal, sans lui enlever la possibilité de se racheter ».

Mgr Renato Martino le 24 mars 1997 lors d’un colloque sur « Délits et peines » à l’Université de Fordham (États-Unis) a rappelé le « droit fondamental et sacré à la vie ». Il estime qu’il y a des moyens non sanglants d’assurer la sécurité de la société.

Jean-Paul II dans son message de Noël du 25 décembre 1998 a appelé à prendre « des mesures urgentes et adaptées » pour, entre autres, « bannir la peine de mort ».

L’Église catholique combat depuis des décennies la peine de mort. Elle milite pour son abolition. Le Pape François a invité les catholiques à « lutter pour l’abolition de la peine de mort ».

 

Les arguments des chrétiens contre la peine de mort

  • La peine de mort ne respecte pas le droit à la vie

L’homme coupable ne doit pas tenir son droit de vivre d’autres hommes qui l’en jugent digne. Le droit à la vie est absolu. La peine de mort est une forme ultime de traitement cruel, inhumain ou dégradant.

  • La peine de mort n’est pas dissuasive

Il n’a jamais été prouvé que la peine de mort soit plus dissuasive que d’autres formes de châtiments. Au contraire, la peine de mort peut entraîner une hausse des crimes violents car elle contribue à banaliser les comportements brutaux. Le meilleur moyen d’agir préventivement contre le crime n’est pas l’imposition de peines plus sévères mais la garantie que tout crime sera puni.

  • La peine de mort s’appuie sur une justice faillible

Le risque d’exécuter des innocents est une réalité dans les pays qui appliquent la peine de mort. La peine de mort est discriminatoire : elle est surtout appliquée aux minorités, aux pauvres, aux membres de groupes ethniques ou religieux.

  • La peine de mort ne protège pas en profondeur la société

Éliminer un coupable est une solution de facilité qui évite de se poser les vrais problèmes comme la réforme du système pénitentiaire, voire du corps social dans son ensemble. En agissant ainsi, l’État ne donne-t-il pas l’exemple de la violence suprême ?

  • La peine de mort ne permet pas au coupable de s’amender

La peine de mort est irréversible. Elle interrompt tout processus de guérison, de réinsertion dans la société. Elle est l’aveu d’un échec de la société à se montrer solidaire avec ses membres les plus marginaux. Donner la mort à un être humain, c’est le supprimer, pas le punir.

 

On ne peut pas être chrétien et être en faveur de la peine de mort. Promouvoir la peine de mort, c’est aller contre la pensée des Églises. Cette position est en contradiction avec l’Évangile.