Russie : le retrait de la Convention européenne pour la prévention de la torture expose les détenus à un grave danger

Nous, le Consortium United against Torture et Crew against Torture, exprimons notre profonde inquiétude face à la récente décision de la Fédération de Russie de se retirer officiellement de la Convention européenne pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants (la « Convention »), ratifiée par la Russie en 1998. Cette décision fait suite au retrait de la Russie de la Convention européenne des droits de l'homme en septembre 2022 et représente un nouveau démantèlement délibéré des garanties internationales en matière de droits humains.

La torture est un phénomène déjà très répandu et systématique en Fédération de Russie. Elle est régulièrement perpétrée par les forces de l'ordre, les autorités pénitentiaires et le Service fédéral de sécurité (FSB). L'indice mondial de la torture évalue le risque de torture en Russie comme très élevé. Les rapports des organismes internationaux de défense des droits humains, des organisations de la société civile, y compris les membres et partenaires de l'UATC, et des survivants documentent systématiquement les pratiques de passages à tabac, de chocs électriques, d'asphyxie, de violences sexuelles et d'isolement prolongé utilisées pour obtenir des aveux ou punir la dissidence. Les conditions dans de nombreux établissements peuvent en elles-mêmes constituer un traitement cruel et inhumain, avec une surpopulation massive, un manque de soins médicaux et un refus systématique de tout contact avec des avocats ou des familles. Les prisonniers politiques, les défenseurs des droits humains, les détenus ukrainiens et d'autres groupes vulnérables – notamment les minorités ethniques, les migrants et les personnes LGBTQ+ – sont exposés à des risques accrus de torture et de représailles.

Le retrait de la Convention n'est pas simplement une question de procédure. Il met fin au seul système de visites internationales indépendantes et inopinées dans les lieux de détention en Russie. Sans surveillance, la torture risque davantage de rester non détectée, impunie et non contestée. En fermant ses portes aux observateurs, la Russie transforme délibérément les centres de détention en « trous noirs » où les violations peuvent se poursuivre sans contrôle. Il s'agit d'un rejet catégorique des avertissements et recommandations répétés des organismes internationaux et d'un signal indiquant que la Russie a l'intention de renforcer davantage l'institutionnalisation de la torture et de l'impunité.

Nous rappelons aux autorités russes que les obligations juridiques de l'État en matière de prévention et d'éradication de la torture restent contraignantes. L'interdiction de la torture est une norme de jus cogens qui reste universellement applicable. De plus, la Russie continue d'être partie à la Convention des Nations unies contre la torture (UNCAT), qui interdit absolument la torture, exige des mesures préventives complètes, des enquêtes et des poursuites efficaces, ainsi que la protection et la réparation des victimes.

Nous appelons à une action urgente pour empêcher l'effondrement complet des garanties, en demandant :

- Le gouvernement de la Fédération de Russie doit reconsidérer immédiatement sa dénonciation de la Convention et rétablir sa coopération avec le Comité européen pour la prévention de la torture, notamment en accordant sans délai l'accès aux organes de contrôle et en assurant la protection des témoins, des survivants de la torture, des observateurs et des avocats.

- Tous les États parties aux traités régionaux et internationaux relatifs à la prévention de la torture doivent exprimer publiquement leur inquiétude concernant le retrait de la Russie, réaffirmer leur engagement envers ces mécanismes et soutenir leur mise en œuvre continue.

- Les organismes internationaux (Conseil de l'Europe, procédures spéciales des Nations unies, organes conventionnels des Nations unies) doivent continuer à surveiller et à rendre compte de la situation de la torture et des mauvais traitements en Russie, y compris dans les territoires occupés.

- Les organisations de la société civile et les médias doivent continuer de documenter et de dénoncer les actes de torture et les mauvais traitements, et assurer la protection des témoins, des survivants, des observateurs et des avocats exposés à des risques de représailles.