67ème session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples
Virtuelle – via Zoom – 13 novembre au 03 décembre 2020
Point 6 : rapports d’activités des Membres de la Commission et des Mécanismes spéciaux,
Rapporteure spéciale sur les Prisons, les conditions de détention et l’action policière en Afrique
Monsieur le Président,
Madame la Rapporteure sur les prisons,
Mesdames et Messieurs les Commissaires
La pandémie de Covid-19 constitue une crise sans précédent, qui a eu un impact majeur sur la situation des droits humains et des libertés fondamentales dans le monde entier. La FIACAT et ses membres souhaiteraient attirer l’attention de la Commission sur plusieurs situations particulièrement alarmantes en Afrique.
Monsieur le Président,
La pandémie de Covid-19 a mis en exergue et aggravé certains maux dont souffrent de nombreuses prisons en Afrique.
La surpopulation carcérale et la promiscuité accrue entre détenus ne permettent pas de respecter les mesures barrières contre le virus. A ce titre, les mesures prises par de nombreux Etats afin de désengorger les prisons, telles les grâces et remises de peine sont à encourager.
A ce titre, la FIACAT et l’ACAT Cameroun se réjouissent du décret présidentiel n°2020/193 du 15 avril 2020 portant commutation et remise de peines pris par le Cameroun, en vue d’éviter une potentielle catastrophe au sein des prisons surpeuplées où le risque de propagation du Covid-19 est élevé. Toutefois, une analyse profonde du décret laisse apparaître que ce dernier n'est pas suffisant pour faire face à cette crise sanitaire. Plus de 70% des personnes privées de liberté au Cameroun sont en détention provisoire sur l’ensemble du territoire national. Or, selon l’article 1er du décret présidentiel, la mesure vise exclusivement les personnes définitivement jugées et condamnées, excluant ainsi les prévenus.
Ainsi, ces mesures sporadiques n’apportent pas une réponse pérenne aux problèmes existants qui pourrait permettre de mieux anticiper des crises similaires à l’avenir. Il est ainsi primordial d’opérer des changements de fond, respectueux des garanties judiciaires, afin de veiller en pratique à ce que la liberté soit la règle et la détention l’exception. Ceci concerne particulièrement la détention préventive. Toute personne en détention préventive au-delà des délais légaux devrait être libérée jusqu’à ce que la procédure pénale à son encontre ait abouti. Néanmoins, de nombreux cas de détention préventive abusive sont encore documentés partout en Afrique.
Cette préoccupation est d’autant plus présente que la crise de Covid-19 a entraîné la suspension de nombreuses procédures judiciaires risquant d’aggraver par la suite l’engorgement des tribunaux.
Enfin, le Covid-19 a également fortement menacé le monitoring indépendant des lieux privatifs de liberté par les organisations de la société civile, les INDH et les mécanismes nationaux de prévention de la torture. Ce monitoring est une garantie contre les détentions arbitraires et devrait être assuré en toutes circonstances si besoin en utilisant d’autres moyens que les visites de ces lieux.
Je vous remercie de votre attention.