Entre cadre légal et réalité du terrain : les contradictions relevées lors de l’examen du Burundi par le CERD

 

A l’occasion de l’examen du Burundi par le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) les 24 et 25 novembre 2025, plusieurs organisations de la société civile, dont l’ACAT-Burundi, soutenues par la FIACAT et l’OMCT ont présenté un rapport alternatif qui a permis de mettre en lumière la situation des défenseurs des droits humains, la radiation de plusieurs ONG indépendantes et les conditions préoccupantes dans lesquelles exercent les journalistes burundais.

Alors que la délégation gouvernementale, dont le rapport était attendu depuis 1998, a insisté sur un cadre juridique consolidé et la mise en place d’institutions censées garantir la lutte contre les discriminations, le rapport alternatif des organisations de la société civile a mis en évidence les contradictions entre cette architecture légale et institutionnelle et la réalité quotidienne des acteurs engagés pour la protection et la promotion des droits fondamentaux. Les OSC ont rappelé que nombre d’organisations indépendantes ont été radiées depuis plusieurs années ou font toujours face à des obstacles administratifs et sécuritaires qui paralysent leur action. Beaucoup de leurs responsables vivent toujours en exil sous la menace permanente d’arrestations, d’intimidations ou de campagnes de dénigrement orchestrées pour réduire au silence les voix critiques.

Les défenseurs des droits humains constituent l’un des groupes les plus vulnérables dans ce contexte. Le rapport relève que ceux qui tentent de documenter les disparitions forcées, les actes de torture ou les discriminations structurelles sont régulièrement ciblés. Certains ont dû fuir le pays, tandis que ceux qui restent travaillent dans une insécurité constante, conscients que leur engagement peut les exposer à des représailles directes. Cette réalité tranche avec le discours officiel, qui affirme garantir un espace civique ouvert et inclusif.

La situation des journalistes est tout aussi problématique. Le rapport alternatif souligne un paysage médiatique largement contrôlé, où les suspensions, les menaces et les restrictions d’accès à l’information sont courantes. Les organismes internationaux ont d’ailleurs relevé ces dernières années une détérioration notable de la liberté de la presse. Durant l’examen, le Comité a interrogé la délégation burundaise sur les mesures concrètes prises pour protéger les journalistes, prévenir les arrestations arbitraires et garantir l’indépendance des médias. Les réponses apportées par l’État ont souvent été perçues comme insuffisantes, reposant davantage sur des principes généraux que sur des mécanismes effectifs de protection.

Le dialogue avec les experts du CERD a également mis en évidence l’absence d’enquêtes indépendantes concernant les violations dénoncées par les OSC. Les organisations rappellent que tant que les responsables d’intimidations, d’agressions ou d’arrestations arbitraires ne seront pas poursuivis, aucune réforme institutionnelle ne pourra réellement renforcer la confiance entre les autorités et les acteurs indépendants. L’impunité persistante alimente la peur, restreint la participation citoyenne et affaiblit les mécanismes de prévention des discriminations.

En apportant un éclairage précis et documenté sur, notamment, les réalités vécues par les défenseurs, les ONG  et les journalistes, le rapport alternatif a enrichi l’examen du Burundi par le CERD au-delà des aspects techniques liés à la législation. Il a rappelé que la lutte contre les discriminations ne peut être dissociée de la protection des voix qui dénoncent les abus et de la garantie d’un espace civique ouvert. Le Comité a pris note de ces préoccupations, et les attentes restent désormais élevées quant à ses recommandations finales, qui devront insister sur la nécessité de protéger les acteurs indépendants et de restaurer un environnement propice à la liberté d’expression et au travail des organisations de défense des droits humains.

En mettant en avant ces enjeux, les OSC burundaises affirment une fois de plus leur rôle essentiel : porter la voix des victimes, documenter sans relâche les violations et rappeler que la justice, la transparence et la liberté d’expression et d’information sont les fondements indispensables d’une société réellement engagée contre les discriminations.