Journée internationale des victimes de disparitions forcées

Coalition Internationale contre les Disparitions Forcées (ICAED)

30 août 2021

Le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires des Nations Unies, dans son Rapport 2020, mentionne que, depuis sa création, il enregistré 46,271 cas non résolus de disparition provenant de 92 Etats. L’ampleur globale de ce crime a mené les Nations Unies à reconnaitre officiellement le 30 août comme la Journée internationale des personnes disparues.

Dans le contexte d’une augmentation des cas de COVID-19 à travers le monde et de leurs conséquences destructrices sur l’humanité, la Coalition Internationale contre les Disparitions Forcées (ICAED), avec les familles, individus et groupes qui poursuivent leur recherche pour la Vérité et afin que les responsabilités des perpétrateurs des actes de disparitions forcées soient établies, se souvient de toutes les victimes de disparitions forcées, particulièrement aujourd’hui. Commémorée dans un premier temps par la Fédération Latino-Américaine des Proches de Disparus et Détenus (FEDEFAM), le 30 août est aussi commémorée par les organisations soeurs des familles de disparus, à travers le monde. La portée globale du crime de disparitions forcées et sa sévérité ont conduit à la création des organisations de familles de victimes. Leur lutte sans relâche a permis que les Nations Unies proposent d’établir un traité des droits de l’homme, sur ce sujet, avec un mécanisme de suivi indépendant (cf., le Comite des Nations Unies sur les Disparitions Forcées).

Les droits des desaparecidos violés sont multiples. La disparition forcée viole le droit à la vie, à la liberté et à la protection ainsi que le droit à la protection contre les traitements cruels, inhumains ou dégradants. La disparition forcée transforme aussi les familles, les proches et les amis en victimes, ce que reconnait la Convention Internationale pour la Protection de toutes les Personnes contre les Disparitions forcées.

La Convention Internationale pour la Protection de toutes les Personnes contre les Disparitions forcées est un élément essentiel de la lutte indispensable contre l’oubli. Alors que ce traité ne comporte pas de références explicites à la mémoire, il insiste toutefois sur l’impératif de reconstruire la mémoire historique du disparu. Il s’intéresse au passé afin de pouvoir envisager le futur – un monde sans personnes disparues.

Le thème de cette année, « La lutte contre l’oubli » nous rappelle le rôle essentiel des commémorations dans la recherche permanente de la vérité et de la justice pour les disparus. Dans nos mémoires, les images de nos êtres chers et amis disparus demeurent vivantes. Ils sont une source d’inspiration et de force. Ainsi, la mémoire nous donne du courage alors que tout semble perdu. Nos mémoires nous font avancer – liant les atrocités du passé aux besoins du présent, et au futur que nous envisageons, libéré des disparitions forcées. La mémoire des disparus et des victimes d’autres formes de violations des droits de l’homme se doit d’être écrite dans les histoires des pays dans lesquels ces violations ont étéperpétrées et dans lesquels le révisionnisme historique tente d’effacer pour les populations, particulièrement les jeunes, les atrocités du passé.

Tel qu’exprimé par l’une d’entre nous, Maria Adela Antokolets, de l’association Madres de Plaza de Mayo-Linea Fundadora en Argentine : « Nous, proches de personnes disparus, avons eu une terrible expérience lorsqu’il est apparu évident que nos être chers ne sont plus et ne seraient plus jamais avec nous. Ce que nous ne savions peut-être pas était qu’aucune identité n’est définie à jamais. Notre propre identité en tant que proches change alors que nous vivons de nouvelles expériences. Ces expériences nous donnent est la mémoire. Donc, la mémoire et l’identité sont les 2 facettes de la médaille. Par exemple, dans les temps anciens, certaines familles avaient honte des disparitions. Elles pensaient « Quel crime mon fils / ma fille / ma soeur a commis ? ». Avec le temps, les discours ont évolué : les victimes ne sont pas coupables, les perpétrateurs le sont ! »

Chaque commémoration nous rappelle, alors que le souvenir est le socle de notre campagne, et est donc essentiel, que mobiliser afin de créer et de renforcer les systèmes pour prévenir la disparition forcée est nécessaire pour garantir qu’elle ne se reproduise plus.

Oublier signifier rejeter notre propre identité ; oublier signifie renoncer à la signification que notre vie a ; oublier signifier faire disparaitre à nouveau nos être chers », a conclu Maria-Adela.

Dans ce contexte, nous reconnaissons les efforts des organisations locales, régionales et globales de la société civile dans la campagne afin d’engager les systèmes juridiques, au sein des Etats, à adopter des législations qui reconnaissent les disparitions forcées comme un crime odieux et à imposer des sanctions aux perpétrateurs. Nous reconnaissons aussi les expressions de solidarité et de support reçues de la part des Etats en signant et ratifiant la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, D’ores et déjà, depuis l’établissement du mécanisme de suivi de ce traité, le Comite des Nations Unies sur les Disparitions Forcées a reçu 1400 demandes d’actions urgentes. Cette procédure d’actions urgentes fait partie des compétences du Comite visant à sauver des vies. Alors que nous célébrons ces victoires, nous devons, toutefois, reconnaitre le fait que beaucoup reste à faire afin d’atteindre une ratification et une mise en oeuvre universelles. Jusqu’à maintenant, 64 Etats sont parties à la Convention et 94 l’ont signée. Ces chiffres sont loin d’une ratification universelle, pourtant essentielle compte tenu de l’ampleur globale de ce phénomène.

Alors que le monde répond rapidement à la pandémie, nous, les survivants, les familles et les activistes oeuvrant contre les disparitions forcées, continueront à nous assurer que les cas de disparitions seront traités avec l’urgence nécessaire. Nous demeurerons vigilants afin que cette question ne soit pas marginalisée et pour que la recherche de la vérité, de la responsabilité et de la justice ne soit pas oubliée. Nous saisissons cette opportunité afin d’appeler incessamment les Etat à mettre en oeuvre les lignes directrices COVID-19 et disparitions forcées approuvées conjointement par le Groupe de travail des Nations Unies sur les Disparitions Forcées ou Involontaires et le Comite des Disparitions Forcées des Nations Unies.

L’ICAED, sur la base de son mandat visant à mener campagne pour la ratification universelle et la mise en oeuvre de la Convention Internationale sur les Disparitions Forcées, appelle tous les Etats qui ne sont pas encore parties à ratifier sans délais ce traité. L’ICAED appelle aussi les Etats signataires qui n’ont pas encore ratifié le traité à le faire dans les plus brefs délais. De plus, l’ICAED appelle les Etats Parties qui n’ont pas reconnu la compétence du Comite des Disparitions Forcées des Nations Unies à le faire sans délai.

En guise de conclusion, nous souhaitons reprendre les mots d’Edita Burgos, mère d’un activiste disparu aux Philippines, Jonas Burgos : « Nous garderons la mémoire de nos disparus pour toujours. Les oublier signifierait permettre aux perpétrateurs d’atteindre leur objectif d’effacer nos êtres chers de la terre. En continuant notre plaidoyer, nous permettons à leur mémoire de revivre. Les disparus doivent vivre toujours. »